jeudi 31 octobre 2013

Critiques et opposition à la publicité

Critiques et opposition à la publicité



De manière générale, la population est plutôt hostile à la publicité et à son emprise croissante sur la vie de tout un chacun. Parallèlement, des individus et mouvements dits « antipubs » dénoncent le « matraquage publicitaire » et remettent en question la légitimité de l'existence de la publicité.

En France, un rapport sénatorial remis le 17 juin 2009 à Chantal Jouanno (secrétaire d'État à l'écologie) sur la publicité extérieure, les enseignes et pré-enseignes a conclu cinq mois de travaux. Il visait à rénover la réglementation française (qui date de 1979 et n'est pas toujours respectée, notamment par les enseignes et pré-enseignes) et mieux lutter contre la pollution visuelle induite par la publicité, mais il a déçu les associations environnementales.

L'association Paysages de France déplore des mesures insuffisantes et l'« hypocrisie politique » de la loi Grenelle II en la matière.

Divers courants se retrouvent au sein des « antipub » pour dénoncer l'envahissement publicitaire et proposer des actions pour « réagir et se protéger »


Contrôle des abus:



Comme toute activité, la publicité est soumise à une réglementation et à une déontologie. Des organes publics ou privés sont chargés de faire respecter des règles (très variables selon les pays, parfois plus strictes dans certains espaces tels que les écoles, parcs nationaux, régionaux, etc.).

Il existe ainsi des organes de labellisation (publicité pour tout public, par exemple), des organes de contrôle (dans les pays libres, ce contrôle s'exerce a posteriori pour ne pas prendre la forme d'une censure), et les tribunaux peuvent être saisis. Ce contrôle s'exerce sur le fond (interdiction de la publicité mensongère ou cachée, comme un publireportage qui ne dit pas son nom) ou sur la forme (pas trop de sexe ou de violence, par exemple).

Néanmoins les décideurs et tribunaux peinent à situer les limites entre exigences de protection de la nature et des paysages et des personnes, et défense et limites de la liberté d’expression (dont une contre-publicité sous forme de « publicité contradictoire » est déjà dans une certaine mesure autorisée dans certains pays).

Il arrive aussi que la réglementation ne soit pas respectée par les annonceurs et que les autorités dont le rôle est de faire respecter la loi ne fassent pas preuve de zèle en la matière. En France, l'association Paysages de France fait régulièrement condamner l'État pour non-application de décisions de justice en matière d'affichage illégal.


Critique du contenu:



Ayant peu de temps pour faire passer une idée, elle s'appuiera souvent sur un cliché, une idée reçue. La publicité utilise souvent les stéréotypes traditionnels : la femme est à la cuisine, l'homme au travail, et les enfants dans une maison confortable, avec juste une pincée d'exotisme sympathique. Si elle utilise des contre-rôles, c'est pour susciter l'attention du consommateur. Au-delà des clichés, la publicité cherche à séduire à travers une image « politiquement correcte » telle que l'enfant et plus généralement le bébé que l'on retrouve aussi bien pour l'automobile que pour la restauration rapide.

Il n'est pas facile de se faire remarquer au milieu de milliers de messages publicitaires. La publicité tente donc de provoquer pour mieux se graver dans les esprits. Cherchant l'efficacité, elle utilise chaque fois que possible des sentiments ou instincts forts, en court-circuitant la réflexion. La publicité voit donc fleurir des pin-up offertes, ainsi que des mâles avantageux. Georges Bernanos va encore plus loin dans cette vision en affirmant que les moteurs de choix de la publicité sont tout simplement les sept péchés capitaux, pour la raison qu'il est « beaucoup plus facile de s'appuyer sur les vices de l'homme que sur ses besoins ».

La publicité, par définition, insiste sur les qualités supposées d'un produit sans en souligner les défauts. Elle passe surtout sous silence les conditions de production des produits qu'elle cherche à faire vendre. Et comme le souligne le Groupe Marcuse : « La publicité mystifie les consciences en mythifiant les marchandises pour leur donner une aura sans laquelle elles apparaîtraient telles quelles, ternes et industrielles. » Une étude de la Harvard Business Review a confirmé que l'impact de la publicité était grand pour les produits envers lesquels le consommateur est indifférent, comme les lessives, et nul pour ceux qui lui tiennent à cœur, comme la religion.

Pour Friedman, la publicité ne déforme pas l'esprit critique mais ce sont les goûts des consommateurs qui sont jugés mauvais par certains critiques. Il écrit ainsi en 1980 dans La liberté du choix : « Le fond du problème posé par la plupart des critiques de la publicité n'est pas le fait que la publicité manipule les goûts mais le fait que le grand public a des goûts détestables – c'est-à-dire différents des goûts des critiques. ». Il y reprend la thèse qu'il développait dans Capitalisme et liberté en 1962 : « Une objection majeure contre une économie libre est précisément qu'elle apporte aux gens ce qu'ils veulent au lieu de ce qu'un certain groupe pense qu'ils devraient vouloir ».

Selon l'encyclopédie du marketing de Jean-Marc Lehu, la publicité négative est un « message publicitaire dont le contenu est essentiellement composé de critiques plus ou moins acerbes, nominatives ou indirectes, des caractéristiques du ou des produits concurrents, ou peut-être interprété comme tel. »

La publicité négative, apparue en 1956 aux États-Unis (durant l'élection présidentiel qui opposa Dwight D. Eisenhower face au démocrate Adlai E. Stevenson), connait son essor à partir du fameux Daisy spot en 1964, dans lequel une fillette enlève inexorablement les pétales d'une fleur, les uns après les autres, à la manière d'un décompte nucléaire. Cette forme de communication, très utilisée pour décrédibiliser le candidat adverse, lors des campagnes politiques dans certains pays (USA, etc.) n'emporte pas l'adhésion en France où on lui reproche de symboliser le manque de force de proposition de celui qui l'emploie.


Critique écologique:



La critique écologique de la publicité est de deux natures. Elle peut porter sur :
L'influence directe ou indirecte du message publicitaire sur la consommation, contribuant à l'augmentation de l'empreinte écologique du développement socio-industriel,
L'impact direct de l'action publicitaire elle-même sur l'environnement (dépenses de papier et d'énergie, pollution visuelle ou sonore, pollution lumineuse, etc.).

Concernant l'influence de la publicité, les écologistes reprochent à la publicité d'inciter à la consommation sans prendre en compte les impacts environnementaux qu'elle génère.

Des ONG dont la coalition Alliance pour la planète, lors du Grenelle de l’environnement, ont pointé en 2007 que les contenus des messages publicitaires ne font pas l’objet d’analyses de leurs impacts par le système d’autorégulation du Bureau de vérification de la publicité, même si les bonnes pratiques qu’il promeut refusent l'argumentation trompeuse et les fausses raisons environnementales de vendre, ou les représentations contraires aux objectifs du développement durable. La publicité a sciemment contourné la loi Lalonde de 1991 qui interdisait de présenter des véhicules circulant en pleine nature française, en allant les photographier ou filmer dans les paysages sauvages d'Islande, de Nouvelle-Zélande ou dans les déserts américains.

Le BVP a, en octobre 2007, dans le cadre du Grenelle encouragé les publicitaires à renoncer à ces pratiques et ont signé en avril 2008, proposer une charte d'engagement et d'objectifs pour une publicité éco-responsable, appuyée sur un organisme de veille incluant des professionnels et représentants d'ONG environnementales, d'associations de défenses des consommateurs pour co-réguler le marché publicitaire.

En France, en 2008, la fédération France Nature Environnement (FNE) craint « une concertation vaseline » et demande que la publicité incitant à la « délinquance environnementale » et le greenwashing soient contrés par plus de transparence et des critères socio-environnementaux dans la vérification, ainsi que par une certification environnementale crédible et reconnue, avec des sanctions pour les contrevenants.

Un second axe de critique pointe l'impact direct de la publicité sur l'environnement : consommation de ressources (papier, énergie) et pollution sonores et visuelles notamment.

Pour limiter la production de papier publicitaire, le Ministère de l'Écologie et du Développement durable français a ainsi édité dans les années 2000 un autocollant « Pas de publicité S.V.P. » pour les boîtes aux lettres. Aucune règlementation ne protège (en 2008) le consommateur contre la répétition d'un même message plusieurs dizaines de fois dans la semaine. La répétition à ce rythme de messages inchangés au téléphone ou dans la rue ouvrirait le droit à une plainte pour harcèlement.

Les publicitaires et les médias mettent en avant dans les années 2000 le développement durable. Mais, selon une étude, publiée en mars 2008, du ministère de l'Écologie français, sur 57 grandes entreprises interrogées, seules treize (22 %) respectaient les Nouvelles régulations économiques dans leur bilan 2006, alors que ces régulations, adoptées en 2001, leur imposaient depuis 5 ans de publier des informations environnementales. « Les sociétés de publicité sont particulièrement peu exemplaires ». Havas et Publicis n’ont, en 2006, pas rempli une seule des trente-cinq rubriques environnementales concernant la consommation d’énergie, d’eau, la production de déchets, émissions de polluants, etc.


Critique sur l'influence:



La publicité télévisée est accusée de contribuer à l'augmentation de l'épidémie d'obésité qui touche les pays développés. Un groupe de scientifiques français responsables de questions de nutrition affirmait en 2008, dans une tribune intitulée « Engraisser les enfants pour sauver la télévision », et en se référant à des « rapports récents » : « Il existe même un lien entre une forte exposition aux publicités télévisées et l'obésité des enfants âgés de 2 à 11 ans ainsi que des adolescents de 12 à 18 ans. L'exposition à la publicité télévisée portant sur des aliments de haute densité énergétique (notamment sucrés et gras) est associée à une prévalence plus élevée de l'obésité. »

Les Américains Chomsky et Herman, dans leur critique du fonctionnement des médias en démocratie, ont théorisé un modèle de propagande dont la « régulation par la publicité » constitue l'un des cinq filtres. Pour des raisons de financement et de survie économique, les médias privés sont avant tout soucieux de bien vendre leur public potentiel aux annonceurs qui les « subventionnent » ; or ceux-ci sont, selon ces auteurs, « plus généralement portés à éviter les programmes trop compliqués ou touchant à des controverses dérangeantes, susceptibles de réduire le "temps de cerveau disponible" du public ».

Critique radicale de la publicité:



Des mouvements antipub, dont les militants d'Adbusters, considèrent que la publicité est néfaste en tant que telle. La publicité est dans cette optique une distraction au sens pascalien du terme, c'est-à-dire qu’elle fait perdre de vue des choses plus importantes, au profit du futile. Pour Jacques Ellul, la publicité est le principal moyen de faire définitivement entrer l'homme dans le « système technicien » de la société moderne, que d'« agent annexe de la vente, elle est devenue le moteur de tout le système », et qu'elle apparaît finalement comme « la dictature invisible de notre société » en modifiant radicalement les comportements des individus.

C'est également la position de Jean-Claude Michéa qui affirme que le « dressage capitaliste des humains resterait un vain mot » sans « cette omniprésente propagande publicitaire ». Martelant des messages d'importance mineure, elle conduit inconsciemment à percevoir comme mineurs les sujets qui ne sont pas martelés. La publicité participe selon eux d'un système économique vicieux, érigeant en norme sociale la consommation de biens inutiles, et des comportements compulsifs et sédentaires[réf. nécessaire] nuisibles en général à la santé physique et mentale des populations (qui doit être ensuite prise en charge par de nouveaux produits ou par des services sociaux).

La publicité cherche à manipuler l’esprit de celui qui la regarde ou l’écoute. Le dessinateur de presse Willem emploie l’expression « coloniser notre cerveau ». Cet argument est tout particulièrement dirigé contre les campagnes de positionnement des marques, dont le but est de graver une marque dans l'esprit du consommateur, plutôt que de décrire les qualités du produit.

Le propos de Patrick Le Lay, PDG de la chaîne privée française TF1, fait date : « Mon travail est de vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola ».

La publicité donne l'avantage au commanditaire sur le consommateur : le consommateur reçoit passivement une information biaisée (la publicité), qui peut flatter ses intérêts et ses goûts, mais qui le fait en fonction des intérêts du commanditaire, alors que grâce à des sondages et études de marché (ou par son expérience), le vendeur détient une information claire et objective sur le comportement du consommateur, ses désirs, ses critères de choix, etc.

Afin de faire passer leur message antipub, ces mouvements utilisent des méthodes publicitaires classiques : usage de stéréotypes et slogans, affichage, mobilisation par internet (publicité « virale »), propos et actions provocantes visant à obtenir du temps média offert gratuitement par des journalistes à la recherche de sensationnel, etc. Ces mouvements sont suivis avec intérêt par les agences de publicité elles-mêmes, toujours promptes à récupérer ce qui permet de véhiculer une image de fronde et de liberté. On a vu ainsi apparaître des affiches pré-recouvertes de faux graffiti anti-pub afin de solliciter l'attention.

La critique selon laquelle la publicité provoque peu à peu des modifications irrationnelles de la vision du monde se voit opposer par eux la critique inverse : modifier la vision du spectateur est également l'ambition normale de tout artiste. Mais comme il est bien souvent répété aux étudiants en école de publicité, la publicité n'est pas un art et le publicitaire n'est pas un artiste.

Des actions illégales, conduisant à des poursuites et des procès, ont lieu. Il s’agit principalement de la destruction d’affiches et du détournement des messages publicitaires, dans le métro à Paris (à la manière des membres de l'Internationale situationniste dans les années 1960). De telles actions ont également lieu en France à Marseille, Montpellier, Grenoble, Lyon, Clermont-Ferrand et Toulouse, mais aussi en Belgique.

Le financement des médias par la publicité pose une certaine atteinte à leur indépendance rédactionnelle. Certains annonceurs n'hésitent pas à supprimer ou menacent de supprimer, brutalement, la publicité dans un journal à la suite d'un article trop critique sur leur entreprise. La multiplicité de ces cas et les besoins de financement contraignent les journalistes à une autocensure sur les informations.